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ses cheveux si négligés que beaucoup la prenaient pour une apprentie. Cela la vexait un peu et lui faisait dire :

— Lorsque je serai mariée, elles me prendront encore pour une petite fille.

Son fiancé n’était guère plus âgé qu’elle. Chaque soir il venait l’attendre à la sortie et tous deux ne tenaient pas plus de place qu’un seul sur le trottoir.

Maintenant elle vidait les casiers et brossait les planches. De temps en temps, elle lançait un paquet en l’air et le rattrapait comme une balle, ou bien elle s’amusait à déformer les noms des clientes en faisant des révérences aux mannequins. C’étaient surtout Mmes  Belauzaud et Pellofy qui recevaient ses compliments. Elle s’inclinait très bas en prenant un air ravi :

— Bonjour, Madame Bel-oiseau.

— Bonjour, Madame Pelle à feu.

Les rires s’échappaient tous ensemble par la fenêtre, et les maçons d’en face levaient la tête pour voir d’où ils sortaient.

J’étais la dernière venue dans la maison.

J’y étais entrée peu de temps avant la morte-saison d’été, et quoique toutes se fussent montrées bonnes camarades pour moi, une timidité m’empêchait de prendre part à leur gaîté. Cependant, depuis que j’étais à Paris, c’était le premier atelier où je me sentais à l’aise. La voix querelleuse du patron ne m’effrayait guère, et la douceur de sa femme me donnait une grande tranquillité.