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saient. Ils arrivaient par groupes au-devant de nous et volaient jusque sur nous pour prendre le pain que nous apportions. Les merles restaient à l’écart et se sauvaient tout peureux à notre approche, mais les pigeons réclamaient leur part avec insistance, et nous suivaient comme des mendiants. Tout comme les bancs du jardin, les oiseaux se confondaient avec la terre. Leurs belles teintes brillantes, leurs beaux plumages lisses avaient disparu. Les pigeons, surtout, semblaient être vêtus de laine usagée. Ils avaient perdu leur vivacité aussi, et sautillaient frileusement autour de nous. À notre départ, ils s’envolaient lourdement pour s’abriter dans l’encoignure des branches. Quelques-uns se perchaient au plus haut des arbres et, dans le soir tombant, ils ressemblaient à de vieux nids que le vent d’hiver n’avait pu jeter bas.

Seules les chaises de fer qu’on rencontrait de-ci de-là ne se mêlaient à rien. Toutes se ressemblaient par la rouille et l’usure ; mais chacune d’elles restait distincte comme un être vivant.

Quelques-unes tombées en travers du chemin semblaient accroupies comme des chiens de garde, tandis que d’autres bien étendues sur le dos paraissaient disposées à dormir longtemps.

Au milieu d’un groupe rangé en cercle, l’une d’elles juchée en équilibre sur sa sœur et balancée par le vent laissait échapper des cris aigus que les autres semblaient écouter en silence.

Deux couchées face à face à l’abri d’un massif