Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/146

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le jour de son arrivée, le patron nous avait dit :

— Elle est du Midi, mais pas du mien.

Ses tournures de phrases faisaient rire. Elle disait :

— Je me suis perdu le dé. Pourtang, je l’avais mis à la poche.

Mais ce qui lui attirait surtout les moqueries des autres, c’était sa confiance immodérée dans les tisanes. Elle faisait une consommation extraordinaire de plantes qu’elle appelait ses petites herbes. À l’en croire, depuis ses trois ans de mariage, elle avait sauvé son mari de la mort plus de vingt fois en l’obligeant à boire de la tisane à tous ses repas.

— Est-ce qu’il est souvent malade ? demanda Mme Dalignac.

Et à notre étonnement, Félicité Damoure répondit avec un nasillement tranquille :

— Non pas ! C’est un homme fort qui attend encore sa première maladie.

Son entrée du matin ne passait jamais inaperçue.

Au lieu du bonjour ordinaire et discret de chacune, elle laissait traîner sa voix fanée :

— Eh ! adieu, mesdames !

Parfois Bergeounette l’imitait en reprenant sur un ton aigu et désolé :

— Eh ! adieu, mesdames !

Gabielle éclatait de rire, et le patron, que cela amusait, disait en levant une épaule :

— Seigneur ! que cette Bergeounette est bête.