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étiquettes et passait les vêtements à Duretour qui les disposait en paquets.

Il arrivait qu’une étiquette de la Samaritaine était cousue à un manteau du Printemps. C’était alors des récriminations et des protestations assourdissantes. Personne ne se reconnaissait coupable, et Duretour, qui aimait de moins en moins enfiler une aiguille, était bien obligée de réparer l’erreur.

Il arrivait aussi qu’un bouton se détachait rien qu’en secouant le vêtement. Le patron essayait alors de dominer le bruit en criant à moitié fâché :

— Au moinss, mesdames, cousez-les pour qu’ils tiennent d’ici au magazing…

Ces heures d’activité bruyante lui plaisaient. Au milieu de l’agitation générale il semblait retrouver ses forces. Mais, dès que Duretour s’éloignait dans son fiacre tout débordant de paquets, il retombait sur sa chaise longue et n’en bougeait plus.

Mme Dalignac s’inquiétait pour lui de la poussière des lainages. Elle aurait voulu le voir retourner dans les Pyrénées, mais il ne voulait rien entendre.

— Je ne veux plus me séparer de toi, disait-il.

À M. Bon qui lui donnait le même conseil il répondait avec un air d’entêtement :

— Eh non ! je vous dis.

Et il continuait à suivre des yeux sa femme dont les énormes ciseaux grinçaient et mordaient sans relâche dans l’épaisseur des tissus.