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tience, et tout à coup il saisit l’épaulette de mon tablier en disant :

— Voilà ! Je vous trouve très jolie, moi.

J’étais si étonnée que je levai vivement les yeux sur lui.

Il ne baissa pas les siens, mais son regard marqua de l’inquiétude. Ses paupières remontèrent et découvrirent beaucoup de blanc au-dessus de la prunelle.

Il reprit en tirant plus fort sur l’épaulette de mon tablier :

— Oui, moi, je vous trouve très jolie.

Sa façon d’appuyer sur les mots disait clairement que lui seul pouvait penser ainsi, mais que l’opinion des autres lui importait peu.

Il ne fit qu’une toute petite pause et sa voix recommença de se faire entendre. Il parlait comme les gens qui ont hâte d’être approuvés. Il réunissait en un seul nos deux avenirs comme pour mieux les tenir dans sa main et les diriger à sa guise. Mais tandis qu’il m’exposait ce que serait notre vie à tous deux lorsque je serais devenue sa femme, j’oubliai sa présence, et je n’entendis même plus le son de sa voix.

Les maisons et les rues s’effacèrent aussi, des bruyères et des sapins s’élevèrent à leur place. Et là, devant moi, au milieu d’un buisson de houx et de noisetiers sauvages, un homme se tenait immobile et me regardait.

Je reconnaissais ses yeux larges et doux dont la prunelle ne se séparait pas des paupières, et