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Et nos journées se passaient en nettoyage et raccommodages.

Mlle  Herminie avait un esprit vif et enjoué, mais elle ne convenait jamais de ses torts.

Le jour où je lui fis remarquer qu’elle trouvait toujours le mot juste pour sa défense, elle me répondit :

— Quand on est faible de corps, il faut avoir la langue solide.

Ses boutades me faisaient rire, et je ne tenais aucun compte des airs bourrus qu’elle prenait parfois.

Elle craignait la mort plus que tout, et aucune misère ni aucune souffrance ne pouvait la lui faire désirer. En temps ordinaire elle se rebiffait contre la maladie, mais dès qu’elle se sentait plus mal, elle prenait peur et disait :

— Ça m’est égal de souffrir, pourvu que je vive.

Je me trouvais très à l’aise auprès d’elle, nous étions presque toujours d’accord, nos âges si différents se confondaient, et nous nous sentions jeunes ou vieilles selon qu’il y avait entre nous des rires ou de la tristesse.

Pour diminuer nos dépenses, il nous vint à l’idée de prendre nos repas en commun. La cuisine n’était pas difficile à faire ; nous mangions surtout des pommes de terre et des haricots. Un jour sur deux, Mlle  Herminie mangeait une côtelette étroite et plate que je faisais griller sur la braise du petit fourneau. Il arrivait sou-