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table, j’allai m’asseoir devant la machine à coudre, tout auprès de la fenêtre. Bouledogue fut la dernière assise. Elle souffla par le nez selon son habitude, et aussitôt l’ouvrage en main, elle dit :

— Maintenant il va falloir travailler dur pour contenter tout le monde.

Le mari de la patronne la regarda de très près en répondant :

— Eh bé… Dites si vous grognez déjà !

C’était toujours lui qui faisait les recommandations ou les reproches. Aussi les ouvrières l’appelaient le patron, tandis qu’elles ne parlaient de la patronne qu’en l’appelant Mme Dalignac.

Bouledogue grognait pour tout et pour rien.

Lorsqu’elle n’était pas contente, elle avait une façon de froncer le nez qui lui relevait la lèvre et découvrait toutes ses dents, qui étaient fortes et blanches.

Il arrivait souvent que le patron se querellait avec elle ; mais Mme Dalignac ramenait toujours la paix en leur disant doucement :

— Voyons… restez tranquilles.

Les colères du patron ne ressemblaient pas du tout à celles de Bouledogue. Elles étaient aussi vite parties que venues. Sans préparation ni avertissement il se précipitait vers l’ouvrière à réprimander, et pendant une minute il criait à s’en étrangler, en supprimant la moitié des mots qu’il avait à dire.

Cette façon de parler agaçait la grande Bergeounette qui se moquait et marmottait tout bas :