Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les choses avec adresse et trouvait du premier coup la bonne place.

Mme  Dalignac le suivait d’un regard affectueux. Et quand il eut chargé et descendu les deux lourdes malles sans que son corps eût plié sous le poids, elle lui dit avec un peu d’admiration :

— Te voilà bon à marier maintenant.


Les quais de la gare étaient encombrés de gens qui se bousculaient pour monter dans les wagons déjà pleins. Le patron se laissait heurter de tout côté. Il était comme raidi et ne prononçait pas un mot. Cependant, lorsqu’il fut monté dans son compartiment, il me tendit la main :

— Adieu, petite !

Je répondis en riant :

— Au revoir, patron, pas adieu.

Il me regarda fixement :

— Vrai ! Vous le croyez, que je reviendrai ?

Sa voix était si différente de l’instant d’avant que j’en restai surprise. Je n’eus pas le temps de lui répondre. Un employé qui courait le long du train me repoussa et ferma vivement la portière.

Le patron voulut baisser la glace de la portière, mais elle était dure, et déjà le train démarrait.

À travers la vitre je vis ses yeux pleins d’interrogation et ceux de sa femme craintifs et soucieux. Puis les deux visages se confondirent avec la boiserie et les barres de cuivre, et le train prit la courbe en faisant sonner durement les plaques tournantes qui se trouvaient sur son passage.