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entre Mme  Dalignac et son mari. Le patron aurait préféré le voir un peu moins volontaire et têtu, tandis que sa femme appelait cela de la fermeté de caractère. Elle disait en riant :

— Ce sera un homme.

Un jour, en parlant d’un accident où elle aurait pu perdre la vie, elle avait ajouté :

— Heureusement que Clément était là. Avec lui je n’avais rien à craindre.

Le patron qui se trouvait à l’autre bout de l’atelier s’était retourné pour répondre d’un air vexé :

— Eh ? dis un peu ? S’il n’avait pas été là, est-ce que je ne t’aurais pas sauvée, moi ?

Mme  Dalignac avait ri doucement en tendant sa main ouverte vers son mari, et son geste affectueux était en même temps si plein de protection que le patron avait incliné la tête comme si la main le touchait vraiment, et qu’il pût s’y appuyer.

Clément avait deux sœurs : Églantine et Rose.

C’était tout ce qui restait de famille à Mme  Dalignac. Elle les avait recueillis tous trois à la mort de leurs parents, alors que les fillettes avaient déjà quatorze et quinze ans et que Clément n’était encore qu’un gamin d’une dizaine d’années.

Rose, l’aînée, s’était mariée à un garde de Paris.

Elle était élégante et coquette, et passait tout son temps à se parer et à parer ses enfants. Églantine vivait auprès du jeune ménage. Elle aimait et soignait les petits de sa sœur avec un dévouement sans bornes, et le patron disait que leur vraie mère n’était pas Rose.