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rien. Leurs parents ont mis tout leur avoir dans cette ferme de Bléroux. De plus, il n’y a pas de place pour deux ménages. Il faudra donc que Noël s’établisse ailleurs. Et qui fera l’apport pour cette autre ferme, si ce n’est une fille de riche fermier ? Il y en a plus d’une, dans les environs, qui serait fière d’entrer dans la famille Barray. Qu’a-t-elle donc, cette Églantine Lumière, pour le retenir ainsi ? Que Noël prenne garde, il y a des liens qui deviennent vite odieux. Qu’il abandonne son idée de mariage avec cette petite. Qu’il n’attende pas, oh ! qu’il n’attende pas qu’elle soit devenue une femme jalouse et tenace qu’il trouvera toujours devant ses pas, et qui brisera tous ses espoirs de bonheur.

Luc prend les mains de son jeune frère comme pour l’imprégner de ses craintes. Les siennes sont glacées, et sur son visage, ordinairement dur et audacieux, Noël aperçoit quelque chose de haineux mêlé à une réelle désespérance. Est-il possible qu’il soit la cause d’un tel désarroi ? Il voudrait donner de l’espoir à ce frère qu’il aime, il voudrait le tranquilliser, mais après un silence, lorsque Luc demande, comme s’il commandait :

— Abandonneras-tu Églantine Lumière ?