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Peu à peu la parole leur revient. Noël s’informe de ce qui s’est passé à Bléroux pendant son absence, et la jeune fille le renseigne. Lorsqu’ils sont en vue de la grille du potager, Églantine s’arrête, et Noël comprend qu’il ne doit pas l’accompagner plus loin. Cependant il ne se décide pas à s’en aller. Il caresse Tou qui se dresse vers lui et semble l’engager à sauter la grille. Il s’adosse à un sapin, puis à un autre, et de nouveau il parle : il travaillera ici, avec son frère, jusqu’à son départ pour le régiment, et au retour son père lui achètera une ferme dans les environs. Et alors… Sans doute…

Il n’achève pas. Les grands yeux au regard absent lui montrent clairement qu’Églantine n’entend plus rien de ce qu’il dit. Dans le silence qui se prolonge, elle lui tend la main pour un adieu. Il la prend, cette main, et la garde dans la sienne pendant qu’il dit encore :

— J’irai tous les dimanches pêcher dans l’étang. N’y viendrez-vous pas, Églantine ?

L’air toujours absorbée, elle répond de façon vague. Elle ne sait. Elle n’est pas libre de son temps. Tout est changé. Et tout à coup elle rit et dit :