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plantée au milieu des mousses d’or et des ajoncs piquants. Dans le cœur de cette plante, une tige d’amour a poussé que des méchants ont brisé sans lui laisser le temps de s’épanouir, mais si cette tige ne doit jamais fleurir, elle garde toute sa sève et ne veut pas mourir. Puis, sous le chaud soleil qui la pénètre toute, Églantine retrouve sa forme ; et elle lui parle comme à un être séparé d’elle-même dont elle a grande pitié :

— Je te le dis, il faut te résigner à ne vivre que de cet amour brisé. Et comment pourrais-tu faire autrement ? Cet amour a poussé ses racines dans ton cœur trop jeune, trop tendre ; elles sont maintenant fortes et vivaces, et rien ne peut les déraciner. Et comment donc feraient d’autres racines pour s’insinuer dans ton cœur ? Celles-ci ont pris toute la place.

Reposée, Églantine reprend sa marche en se moquant de ses divagations et de ses élans vers tout ce qui lui paraît être Noël. Elle s’en inquiète même. N’est-ce pas là une folie commençante ? Elle ne s’inquiète pas moins de ces malaises subits qui précipitent les battements de son cœur, lui donnent des vertiges, lui serrent les tempes et semblent vouloir lui ouvrir les flancs. Cela non plus, n’est pas naturel. Elle essaye de se ras-