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parle et rit à en perdre le souffle. Jacques le corps penché, rit avec elle, n’entendant qu’elle, ne voyant qu’elle, et lui posant mille questions. Églantine se réjouit seulement de la musique gaie que fait à son oreille la voix de la fillette. Elle est tout occupée à reconnaître les choses dont parlait Jacques Hermont, lorsqu’il préparait sa fille à venir habiter l’île. Christine, alors, n’entendait que la voix un peu triste de son père. Têtue et boudeuse, elle n’apercevait, à travers toutes les beautés qu’il lui décrivait, que le chagrin d’être séparée de lui.

Églantine, au contraire, avait écouté attentivement. Cette île, située en plein océan, la rapprochait de Noël, lui semblait-il. N’allait-elle pas, comme lui, passer l’eau ? Et peut-être que cette île ressemblait à l’Algérie ? Aussi, tout en tenant la main de Christine, marche-t-elle la tête levée et les yeux à l’affût. Cette lande, si différente de tout ce qu’elle a vu jusqu’alors, la remplit d’étonnement. Ce sol, avec son tapis de joncs, — tapis sur lequel il ne fait pas bon marcher pieds nus, avait dit Jacques — d’où sort de loin en loin un arbre grêle, souvent tordu et toujours penché comme s’il cherchait un appui ; ces pierres énormes aux formes inattendues recouvertes d’une