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voyant surprise, lui avait fait comprendre que ce n’était pas la première fois qu’elle se livrait à ce jeu. Passe encore qu’elle eût appris toute seule à grimper et sauter des obstacles plus hauts qu’elle-même, comme ce gros tas de pierres qui était au fond du jardin, sans jamais hésiter ni trébucher, mais ces airs nouveaux qu’on chantait au village et qu’elle sifflait sans retenue tout le long du jour, où les avait-elle entendus ? Ce n’était pas chez mère Clarisse, qui vivait seule, et où il la conduisait le dimanche après la messe, ni ici au verger, où jamais ne venait personne. Mère Clarisse, interrogée, n’avait rien remarqué, sinon que la chère petite, qu’elle aimait par-dessus tout, grandissait et embellissait tous les jours. Elle pensait qu’il serait bon de la mettre à l’école. Elle devait tellement s’ennuyer, lorsqu’elle était seule à la maison. Certes oui, le père Lumière allait mettre à l’école cette gamine qui devenait effrontée autant qu’intelligente. Et le temps venu, Douce, vêtue comme une écolière, se trouva en face de Mlle Charmes, l’institutrice du village de Bléroux.

Mlle Charmes gardait à quarante ans passés un corps bien fait et de beaux cheveux châtains. Seul son visage était un peu fané