mière restant à la maison pour la récolte de son verger et de son potager.
À vivre des journées entières auprès de sa petite fille, le grand-père silencieux s’aperçut vite du changement qui s’était fait en elle pendant ce dernier été. Elle parlait peu, habituée à ne jamais recevoir de réponses à ses questions, mais le regard qu’elle posait sur lui à certains moments montrait une intelligence qui l’étonnait comme une chose tout à fait inattendue. Le nouveau visage de l’enfant ne l’étonnait pas moins. Tout y était clarté, douceur et gaîté. La petite bouche, autrefois serrée comme par une crainte constante, s’ouvrait sans cesse maintenant pour le rire ou le sourire. Elle s’ouvrait de même pour le chant. Ce n’était que des bribes de cantiques entendus à l’église qu’elle chantait, mais d’une voix étendue et si pure qu’elle semblait l’avoir empruntée aux anges du paradis, ainsi que le disait mère Clarisse, la nourrice qui l’avait élevée jusqu’à l’âge de cinq ans. Et surtout, du matin au soir, elle sifflait comme un garçon. Son corps avait changé. Elle n’avait plus ses membres ronds de toute petite, ni cette façon de marcher en sautillant qui lui laissait toujours un pied en l’air. Menue et droite, elle