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entrer de jour comme de nuit, ainsi que fêtes et dimanches, sans risquer, jamais, d’y rencontrer personne. Un jardin de souffrances dans lequel elle se plaît à cultiver des larmes chaudes, des regrets amers, des appels éperdus et des désespoirs sans limite. Elle y cultive encore une pensée active qui s’égare jusqu’à l’angoisse, un cœur tout broyé qui ne veut pas cesser de battre, et une âme désolée qui rôde et crie miséricorde.

Lorsqu’elle sort de ce jardin, ce qui domine en elle c’est le goût du néant.

Et voici qu’en ce beau dimanche de printemps un espoir renaît en elle. Peut-être lui sera-t-il possible de se lier avec ses nouveaux voisins. Cet homme qui touche de l’harmonium avec une telle perfection ne doit plus être un jeune homme. Il est sûrement marié. Il a sans doute des enfants. Dans quelques heures, demain au plus tard, la famille sera au complet. Une famille de musiciens, certainement. Et même, si elle ne peut entrer chez ces gens, ses soirées seront désormais sans ennui. Et aussi ses dimanches. Elle n’aura plus besoin pour entendre de la musique d’aller dans les squares. Ce sont là des endroits où elle ne se plaît guère, il y a trop de