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de chagrin, porter dans ses bras le seul ami qui lui reste et qui va mourir.

Tou a honte d’être ainsi porté. Il ferme les yeux, sans doute pour ne plus voir que le frais visage qu’il chérit est devenu couleur de feu. Il secoue ses oreilles, sans doute pour en faire tomber le bruit de cette respiration courte et sifflante qui sort de cette jolie bouche ouverte.

Qu’il est lourd, qu’il est lourd, aujourd’hui, le petit frère !

Églantine arrive enfin, dépose son fardeau près du foyer où finit de brûler une souche. Elle jette sur cette souche des branches de sapin qui pétillent et font une flamme odorante et claire. Une épaisse buée s’élève tout de suite de la toison noire, et bientôt le chien tout entier fume comme s’il allait lui-même flamber. Églantine le bouchonne, le sèche avec des torchons rugueux. Elle le tourne et retourne comme elle ferait d’un tout petit enfant. Elle frotte, à en enlever le poil, ses pattes de derrière, raides et droites qui font penser à deux mâts qu’une tempête couche et redresse, tandis que les pattes de devant s’abaissent et se heurtent comme des mains mortes. Tou, incapable de faire un mouvement de lui-même, la regarde. Elle sait ce que veut dire