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prendre à gauche ce mauvais sentier plein de ronces qui longe la haie d’aubépine et tourne dans le chemin pierreux qui mène à la barrière d’entrée. Pourra-t-il aller jusque-là ? Il n’en peut plus. Il tremble trop.

— Vite, vite mon chien ! Ne t’arrête pas !

Non, jamais il n’arrivera, malgré l’aide de sa gentille maîtresse. À bout de forces, il trébuche soudain et tombe sur le flanc.

Églantine s’arrête pour tordre le bas de sa jupe que l’eau alourdit, et qui entrave sa marche. Puis, dans un gros effort, elle soulève son chien et l’emporte dans ses bras. Qu’il est lourd, qu’il est lourd, le cher Tou ! Pourra-t-elle le porter jusqu’au Verger ? Elle aussi voit la grille tout éclairée de soleil et qui semble lui crier « Courage ». Elle va avec la conviction que si elle s’arrête encore c’en est fait de son chien. Elle va, elle va, son souffle se raccourcit et se fait bruyant. L’eau restée dans ses cheveux lui coule sur le front, mouille ses paupières et obscurcit sa vue. Elle va. Mais mon Dieu qu’il est lourd, son chien.

Pour voir ce qui peut faire tort à son prochain, il y aura toujours des yeux ouverts, même dans la nuit la plus sombre. Mais dans ce matin clair, personne ne verra cette frêle jeune fille, épuisée d’angoisse et