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directe du médecin au vieux cocher : « C’est votre voiture qui lui a passé sur le corps ? »

Le même médecin, penché à présent sur moi me demandait :

— Souffrez-vous beaucoup, mon enfant ?

Je ne répondis pas. J’écoutais le pas glissé de deux personnes qui cherchaient à s’éloigner sans bruit. J’étais sûre que c’étaient mon père et ma mère qui s’en allaient ainsi, et malgré la douleur de ma hanche, je voulus me dresser pour les appeler, mais le médecin appuya des deux mains sur ma poitrine, en disant :

— Il ne faut pas bouger, surtout.

Penché sur moi, il me cachait une partie de la salle, mais dans l’ouverture que formait l’un de ses bras, je voyais mes parents gagner la sortie.

Oh ! comme ils avaient l’air malheureux ! Ma mère si légère d’habitude, marchait presque lourdement, et mon père la suivait, tête basse, et son chapeau à la main comme à un enterrement.

J’en ressentis un immense chagrin. Et tandis que le médecin continuait à s’informer de ma souffrance, des larmes se pressèrent en foule sous mes paupières, et malgré moi, jaillirent avec force.

Les jours suivants, la douleur de mon corps devint si vive que je n’apportai d’attention à rien d’autre qu’à elle. La présence même de mes parents me laissait indifférente. Je souffrais. Je souffrais atrocement et sans répit, et mon immobilité parfaite n’avait pas un seul instant raison de cette souffrance. Pendant la nuit, je la sentais à travers une somnolence insupportable, et dont j’essayais de sortir par des soubresauts violents qui