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noyer, croyant à une miraculeuse pluie de duvet fin, s’est lancé après les flocons de neige. Il volète sur place, lâchant celui-ci pour saisir celui-là, jusqu’à ce que, tout alourdi et aveuglé, il ait enfin compris que ce beau duvet blanc n’était pas fait pour son nid. Retourné sur sa branche, il se secoue, hérisse ses plumes. Et comme honteux de sa bévue il cache vivement sa tête sous son aile. Tout le monde se moque de l’innocent. Les jumeaux l’interpellent comme s’ils s’adressaient à un gamin de leur âge, et Valère Chatellier qui rit de bon cœur me dit familièrement :

— Il faut quelque chose de plus chaud pour faire un nid.

La giboulée passée, notre petit cortège se reforme et se met en marche. Oncle meunier remplace notre père au bras de la mariée. Il avance, raide et grave, avec un léger fléchissement de l’épaule, comme pour permettre à Angèle de s’appuyer davantage sur lui. Des gens groupés le saluent amicalement au passage, et des enfants courent devant lui en se tenant de travers pour lui sourire. Sa belle prestance et son bel habit noir n’arrivent cependant pas à dissimuler son caractère véritable. Les grosses boucles de ses cheveux ont l’air de se moquer de son chapeau haut de forme, et son dos est spirituel comme un visage.

C’est seulement pendant la traversée du village que je songe à regarder Angèle. Dans sa robe de lainage blanc, elle me paraît soudain majestueuse comme une princesse. Où donc a-t-elle appris à marcher de cette façon lente et légère ? Et qui lui a enseigné cette manière de porter haut la tête