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Oncle meunier s’est chargé de répondre à ces demandes. Et sans leur opposer un refus, il a parlé des orages, de la sécheresse et des gelées. Il n’a pas oublié non plus la maladie des poules. Il riait en me faisant lire ses réponses au comptable :

« Ménageons-le, ménageons-le, disait-il. »

Et la main haut levée comme pour parer à une menace, il ajoutait :

« Nous ne voulons pas d’un second divorce. »

Au début croyant ma mère d’accord avec son mari dans ses exigences, j’avais été reprise contre elle de mes anciennes colères. Oncle meunier mécontent et attristé m’avait grondée :

« Ne juge pas ta mère. Sais-tu ce que tu ferais à sa place ? Crois-moi, si elle ne peut empêcher cela, elle doit être bien malheureuse. »

Las des promesses jamais tenues, le comptable s’est fâché. Il m’a prévenue que, faute de lui payer un loyer régulier, il m’obligerait à quitter la maison, car il n’entendait pas laisser plus longtemps sans rapport la propriété de sa femme.

À cette annonce, le front si uni d’oncle meunier s’est barré de rides. « Le mal s’aggrave » a-t-il dit. Et, l’air mi-fâché mi-rieur, il m’a menacée du doigt :

« Il faudra finir par payer, Annette. »

Je n’en doutais pas qu’il faudrait finir par payer mais je ne voyais pas comment j’y arriverais, même avec les économies secrètes d’oncle meunier qui passaient si facilement de sa poche dans la mienne quand il s’agissait de vêtir les jumeaux.

Tante Rude aurait pu m’avancer un peu d’argent. Oui, mais, l’argent de tante Rude n’appar-