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les couplets de telle sorte, que tante Rude s’arrêtait toujours de crier pour lui en faire la remarque.


En février, j’appris à travailler la terre. Le jardin attenant à notre maison et abandonné depuis la mort de grand’mère était devenu un fouillis d’herbes où toute la basse-cour du moulin circulait à l’aise. Oncle meunier y fit passer la charrue et, avec l’aide de Manine, j’en traçai les plates-bandes et y déposai les premières semences.

Je prenais goût à ces travaux dont je ressentais de moins en moins la fatigue. J’avais enfin cessé de grandir et ma maigreur commençait à disparaître. Firmin prenait la bêche aussi mais c’était pour semer des fleurs. Il en semait tout autour de la maison. Il en eût semé sur le seuil même si cela eut été possible. À mes taquineries, il répondait :

— « Laisse-les seulement pousser, et tu verras si je ne vais pas les vendre à la ville ! »

Grâce aux conseils de Manine, notre maison se transformait peu à peu en petite ferme. J’eus bientôt une demi-douzaine de lapins, autant de poules et de canards, payés en journées de travail au moulin. Et pour augmenter cette basse-cour si durement acquise, le hasard me fit don d’une couvée tout à fait inattendue. Une couvée magnifique, comme jamais tante Rude n’en avait eue, et qui la plongea dans un étonnement excessif.

D’où venait cette couvée ? À qui appartenait cette grosse poule blanche à la tête jaune comme de l’or que j’avais trouvée dans mon jardin, grattant mes salades de ses fortes pattes, et gloussant éperdument au milieu de ses nombreux