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d’imagination pour nous distraire. Lui qui ne pouvait retenir deux lignes entières de ses leçons, débitait sans se tromper ni s’embrouiller jamais, les histoires les plus compliquées de son invention.

Aujourd’hui parce que c’est dimanche et que nous sommes à nous reposer au bord de la rivière, il retient l’attention de Nicole et Nicolas en lançant au fil de l’eau de tout petits bouts de bois, qui grandiront en cours de route, dit-il, et deviendront des navires magnifiques auxquels il donne déjà des noms. Et soudain, au moment où on s’y attendait le moins, le voilà debout, tout en gestes et nous disant :

— Dès que j’aurais fait fortune avec mes navires, nous aurons une belle maison à Paris. Nous aurons aussi une grande automobile, et notre chauffeur s’appellera Gaston. Puis, je ferai bâtir un vieux château sur la mer, et nous passerons l’été à nous baigner et à jouer à cache-cache dans les oubliettes. Seulement, nous n’aurons que du poisson à manger.

— Ah ! non, crie Angèle qui n’aime pas le poisson.

Mais Firmin la rassure :

— Sois tranquille, j’ai pensé à toi, nous avons un canot à vapeur.

Et, la voix nette et forte, il commande :

— Gaston, filez à la Rochelle, nous chercher des vivres.

Et, tourné vers l’aval de la rivière, la main en abat-jour pour mieux voir Gaston filer en pleine mer, il nous renseigne :

— Le maladroit ! il a failli couler une barque