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III


Au grand contentement de tante Rude je demandai à faire la moisson en remplacement de Manine. La petite somme que m’avaient laissée mes parents et qu’ils devaient renouveler chaque mois fut dépensée en moins de rien, et je me rendis compte que si je ne gagnais pas moi-même un peu d’argent j’allais être obligée de mesurer la nourriture aux enfants.

Tante Rude me dit : « À quinze ans toutes les filles gagnent leur vie ».

Oncle meunier m’expliqua :

— Lorsque vous étiez tous ensemble, le même toit vous abritait, la même lampe vous éclairait, le même feu vous chauffait. Maintenant que la famille est divisée, il faut pourvoir à trois feux, trois lampes et trois demeures. Et comment tes parents le pourraient-ils, eux qui avaient déjà tant de peine à joindre les deux bouts ? Tu comprends Annette ? »

Je fis signe que oui, tandis qu’en moi-même je répondais :

« Oui oncle meunier, je comprends très bien qu’il me faut non seulement gagner ma vie, mais