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inventé une jolie prière à la Vierge, afin qu’elle nous accorde la grâce d’aller passer nos vacances au moulin. Je récite la prière avec elle tous les soirs pour que ça réussisse.

« À bientôt ma grande sœur,

« Ton Firmin. »

La jolie prière d’Angèle ne fut pas exaucée de la Vierge, et l’été passa sans apporter grande amélioration à mon état.

L’automne revenu avec ses pluies m’oblige de rester dans la maison et empêche Mme Lapierre de venir auprès de moi. Aussi, certains jours, écrasée par l’ennui, je reste des heures entières sans mouvement, les mains croisées sous ma tête. Je repousse même la petite Reine que Manine se plaît à mettre dans mes bras en disant :

— Tiens, Annette, prends ta fille.

Un désir violent, lancinant même, de revoir les miens m’est devenu un mal plus sensible que celui de ma hanche. Il me semble qu’en me privant de Firmin et des petits pendant les vacances on m’a privée d’une chose nécessaire à la vie, et que je ne tarderai pas à en mourir.

Tante Rude qui ne peut supporter personne au repos m’apporte de la couture qu’elle retrouve souvent le soir telle qu’elle me l’a donnée le matin. C’est alors de sa part des reproches durs, et parfois sur un ton si élevé qu’ils attirent oncle meunier. Devant lui je laisse couler mes larmes. En devine-t-il la cause ? Il me parle surtout de sa femme en l’excusant : « Tu sais, elle n’est pas méchante, elle est seulement autoritaire. Ses pa-