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Pour ne pas inquiéter davantage cette fidèle gardienne du logis, je m’en vais cette fois par la route. Ainsi les gens du village pourront certifier que j’ai regagné la gare pour le train de midi.

De ce côté, la maison de Mme Lapierre a une persienne détachée par le vent et cela lui fait comme un œil à demi ouvert qui guette mon arrivée.

Je lui parle en m’approchant :

— Je ne passerai pas la journée avec vous, maison de Mme Lapierre, et je ne cueillerai pas un seul fruit de votre jardin.

Je consolide de mon mieux la persienne et je m’y adosse pour contempler un moment le moulin et tout ce qui l’entoure.

Les champs ont presque tous la couleur du chaume, mais les vignes sont claires comme du raisin mûr et l’on dirait qu’elles répandent de la lumière autour d’elle. Dans les champs et dans les vignes j’aperçois des points blancs qui bougent. Ce sont des dos de paysans, des dos faits à l’ardeur du soleil comme à la brume du soir et du matin.

Si je le voulais, je pourrais reprendre ma place parmi ces paysans, mais qui donc m’attendrait au retour dans la maison ?

Je ne m’attarde pas ici comme dans la venelle.

Des groupes d’enfants vêtus de leurs beaux habits s’en vont joyeux vers le village.

Là-bas, sur une route qui descend à la plaine les arbres ont l’air d’aller deux par deux.


Dans le logement de Manine, je retrouve le silence, mais un silence sans lourdeur ni ombre.