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entendons le vol claquetant et ronflant des oiseaux féroces. Ils s’avancent comme un cataclysme naturel que personne ne pouvait prévoir et qu’aucun homme ne peut empêcher. Raymond s’agite à leur approche ; je sens son petit cœur bondir sous ma main. Je touche ses joues devenues subitement froides et je demande tout bas :

— Tu as peur ?

Les beaux yeux confiants de Raymond me regardent et sa jolie tête remue pour dire non.

La bête étrange passe et chacune de nous frissonne et se penche davantage sur son enfant…

Peu à peu, des bruits familiers recommencent sur le boulevard. Une fenêtre s’ouvre, un pas traîne. Soudain, c’est la Berloque avec toute son allégresse. Aussitôt Raymond m’échappe et, malgré le froid, à moitié nu, il lève les bras, écarte les jambes, se balance et se disloque comme un pantin. Cela fait rire le gros Ni-Jean qui s’échappe à son tour des bras de sa mère pour remuer ses petons boulots, imitant maladroitement les pieds agiles de Raymond et tombant coup sur coup sur le derrière. Reine, prise elle-même d’une joie délirante, fait claquer ses doigts comme des castagnettes et rit, rit sans mesure.

Les mamans, craignant le froid, veulent recoucher les petits ; mais Raymond déclare qu’il n’a pas fini de danser et le gros Ni-Jean crie qu’il veut sauter encore.

Au loin, la Berloque continue de lancer ses notes joyeuses. Malgré le bruit d’ici tout le monde l’entend, et c’est comme si elle disait à tous :

— Dansez, petites souris, Raminagrobis est