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XVII


Annette ! Annette ! je ne veux pas mourir.

Depuis plus de trois ans que dure la guerre, c’est presque toujours ainsi que Firmin commence ses lettres. Il est persuadé qu’en affirmant sa volonté de vivre en dépit de tout, il échappera au monstre qui supprime chaque jour tant de vies jeunes et nécessaires.

Il a aussi une manière de m’indiquer les endroits du front où il se trouve, et je m’y trompe rarement. « Ainsi, dit-il, ta pensée peut rôder dans les parages et me protéger. »

Sa lettre d’aujourd’hui, affectueuse et gaie, me renseigne une fois de plus :

« Je suis près d’une rivière que je ne te nommerai pas, grande curieuse, et tu es libre de croire que cette rivière est un fleuve ; mais ne va pas t’imaginer que ce fleuve peut me noyer. Te souviens-tu de ce voyage que nous avons fait avec nos parents pour aller voir des dames qui habitaient dans une vallée très encaissée ? Moi, je me souviens très bien des deux jeunes collègues de notre père qui voyageaient par hasard avec nous.