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Rose est spirituelle autant que son mari. Comme lui elle est affectueuse aussi, et d’une gaîté qui permettra difficilement à l’ennui de se glisser dans son ménage.

Tout la fait rire, même les bruits de guerre qui se chuchotent à la caserne et que Firmin nous rapporte, un peu inquiet. Elle se moque de l’air préoccupé de son mari, et du bout du doigt, elle cherche à effacer le pli dur qu’il a au front depuis une semaine. Mais le pli ne s’efface pas, il se creuse au contraire, et Firmin qui se trouve retenu plus que d’habitude à la caserne n’a plus le temps de m’aider à porter les arrosoirs. Hier, son inquiétude avait augmenté encore. Et ce matin, à l’heure où nous ne l’attendions pas, voici qu’il nous arrive pâle à faire peur et tremblant comme un criminel en nous disant :

— C’est la mobilisation !

Ni Rose ni moi ne savons exactement en quoi consiste la mobilisation pourtant nous nous mettons à trembler comme si Firmin nous annonçait la pire des catastrophes. Lui ne se remet pas. Il cherche des yeux un siège, il cherche les mots qu’il veut dire. Et, la voix raffermie enfin :

— Si c’est la guerre, mon régiment va partir en couverture et je ne serai peut-être plus ici demain…

Comme je ne comprends rien à ce régiment qui peut partir en couverture, je demande des explications.

Firmin me les donne en quelques mots, ces explications ; mais la guerre qu’il redoute me paraît une chose si incertaine que je suis tentée