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transformées en chapelets de diamants qui s’emmêlent et roulent en larges traînées brillantes. C’est octobre, les vacances sont finies, et le logement de Manine est redevenu bruyant et gai.

On dirait que Reine et sa mère ont rapporté du moulin tous les souvenirs qu’elles y avaient entassés et qu’il ne leur manque plus rien pour être heureuses. Clémence elle-même, au lieu de bougonner, chante à tue-tête des chansons qui parlent d’amour et de beaux habits.

Reine m’a remis en grand secret une lettre d’oncle meunier qui est pour moi comme un livre de prières. Cette lettre dans laquelle le cher oncle a mis tout son cœur contient des conseils qui me sont précieux et me font longuement réfléchir. Il dit : « Tout vaut, il s’agit seulement de mettre les choses à leur place ». Il dit encore : « La vie a une gravité que beaucoup n’aperçoivent pas ».

Au sujet de Valère il parle ainsi : « Il faut que tu saches ce qu’il fait à Nice. En restant dans l’ignorance de ceux que nous aimons nous les aidons à faire leur malheur et le nôtre. Si Valère avait su la vérité, songe à ce qui serait au lieu de ce qui est. Ne l’abandonne pas afin de le sauver si cela est possible car en le sauvant tu te sauveras toi-même. »

Il ajoute entre les lignes déjà pleines :

« Quelque route que tu prennes dorénavant, elle sera dure. À toi de l’aplanir en ôtant les pierres une par une. Et surtout, ma grande fille, n’oublie jamais que le bonheur est en nous et que nous le faisons et défaisons à volonté. »

Le soir, à la veillée, tandis que Manine se repose