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d’effets propres est debout devant moi. Il est glacé, son teint est verdâtre et son front plissé montre les efforts qu’il fait pour rappeler ses souvenirs.

Je saute du lit :

— Viens, Valère, je vais préparer une boisson chaude.

Il me suit docilement et quelques minutes après nous sommes attablés en face l’un de l’autre.

Comme si la première gorgée de liquide chaud lui rendait l’usage de la parole, Valère me demande :

— Pourquoi dormais-tu habillée ?

J’ai bien envie de lui poser la même question, cependant je réponds que le sachant couché sur le parquet je n’avais aucun goût pour dormir à l’aise dans un lit.

Il boit une nouvelle gorgée, et il ordonne l’air fâché :

— Je veux savoir où tu as passé la nuit.

Je crains qu’il ne soit encore ivre, et pour ne pas l’exaspérer, je dis avec bonne humeur :

— Sur notre lit, dans notre chambre.

Il hausse les épaules, puis, comme poussé par une violence dont il n’est pas le maître, il s’emporte :

— Ce n’est pas vrai, vous êtes toutes des menteuses.

Et la voix soudainement basse, il ajoute avec un mépris indicible :

— Au fond, tiens ! tu ne vaux pas mieux que Bambou. Et encore ! elle, au moins, ne fait pas mystère de ses frasques, tandis que toi…

Je ne peux croire qu’il pense cela. Les derniers