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Après tout ! il n’est peut-être pas ivre. S’il pleure, c’est qu’il a de la peine, une peine qu’il ne peut pas dire.

Ne suis-je pas là pour l’aimer et le consoler quoiqu’il arrive ?

Je m’agenouille devant lui ; je joins ses mains aux miennes, et, comme pour obéir à Firmin je dis :

— Ne sois plus triste, Valère, nous allons avoir un enfant.

Au lieu de la douceur que j’attendais, c’est un emportement terrible qui le dresse :

— C’est un affreux mensonge. Tu veux me tourmenter encore, car tu es méchante, méchante comme une mauvaise bête, entends-tu ?

Il prend la tasse à moitié pleine et crie plus fort :

— À ta santé Bambou.

Il vide la tasse d’un trait et se penche sur moi pour un baiser, mais je recule, et il roule à terre. Il se relève et me poursuit, mais ce n’est pas moi qu’il poursuit, c’est Bambou, et l’idée qu’il peut m’atteindre en me donnant ce nom me fait honte.

Je n’ai pas grand mal à lui échapper, ce n’est qu’en s’appuyant aux meubles qu’il peut se tenir debout. Il appelle, il exige que Bambou vienne à lui, et, dans les phrases osées et dans les injures qu’il lui jette, je comprends qu’il s’étonne de la voir fuir.

Il s’écroule enfin, et ronfle.

Horrifiée, répugnée, je m’éloigne de cet être qui fut toute ma joie et tout mon amour.

Il fait grand jour lorsque je m’éveille et me retrouve tout habillée sur mon lit. Valère, vêtu