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avons décidé de l’associer à nos affaires, mais pour cela il lui faut pas mal d’argent, et il n’en a pas du tout. Alors, comme nous avons sous la main une femme riche qui l’épousera sûrement, il faut que vous partiez d’ici le plus vite possible.

L’homme s’arrête et c’est la femme qui ajoute :

— Vous serez vite placée ailleurs, et nous vous donnerons une petite somme pour vivre en attendant.

Je ne ressens aucune émotion de ces paroles outrageantes ; on dirait qu’elles ne s’adressent pas à moi et c’est avec calme que je demande :

— Est-ce M. Chatellier qui vous envoie me faire cette offre ?

— Non, dit l’homme, il n’en sait rien, nous voulions arranger d’abord l’affaire avec vous.

Je me dirige vers la porte, et, tout en l’ouvrant, je dis avec le même calme :

— C’est très bien, mais je préfère arranger d’abord l’affaire avec M. Chatellier. C’est lui qui vous portera la réponse.

L’homme et la femme se lèvent et s’en vont contents comme s’ils venaient de réussir une magnifique affaire. Je les regarde s’éloigner se tenant par le bras et je pense encore :

« Dieu merci ! Valère vaut mieux que cela. »

Et sans perdre ma confiance un seul instant je laisse passer les heures qui emmènent lentement le jour.

Au premier mot de cette histoire, Valère fronce les sourcils ; puis, comme chaque fois qu’une chose le stupéfie, il part d’un grand rire ; la tête renversée, ses lèvres saines largement ouvertes sur ses dents