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d’une voix beaucoup plus haute qu’il n’était nécessaire :

Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.

Et Firmin s’arrêtait net. Il gardait la bouche ouverte comme pour laisser passer la suite, mais la suite ne venait pas.

— Elle est là, disait-il, en montrant le bout de sa langue. Puis il rougissait, s’impatientait et frappait du pied :

— Oh ! là, là, qu’est-ce qu’il a bien pu leur dire à ses enfants, ce laboureur.

Notre père riait et renvoyait Firmin apprendre sa fable. Il ne se doutait pas que beaucoup de notre temps passait à cela.

Il y avait aussi une punition de l’école que nous étions seuls à connaître, Firmin et moi. Cette punition arrivait à peu près une fois par semaine, toujours pour le même motif.

— Qu’as-tu fait ? lui demandais-je en le voyant rentrer en retard et tout penaud.

Et lui, près de pleurer, répondait une fois de plus :

— Je me suis encore promené à quatre pattes sous les bancs, et quand je me suis relevé, le professeur était encore assis à ma place.


Angèle qui allait sur ses douze ans était placide et triste. Sa petite enfance avait été difficile, et grand-mère l’avait souvent menée à l’église, où elle faisait brûler des cierges à son intention. Angèle en avait gardé le goût de la prière, et à la