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IX


Dans la gare de Bordeaux où déjà des lumières brillaient de toutes parts, je cherchais des yeux Valère Chatellier parmi la foule. Je le cherchais trop loin, il était là tout près, et sa voix me fit sursauter. Je passais vivement mon bras sous le sien, et peu après tournant le dos à la ville, nous cheminions le long du fleuve qui miroitait de place en place sous l’éclairage des quais.

Cette arrivée de nuit dans ce pays inconnu me causait un réel malaise. Ce fleuve dont j’entendais le glissement sourd à mes côtés me faisait penser à une bête sournoise nous suivant dans l’ombre. Et tout de suite je dis ma préférence pour la petite rivière qui passait tranquille entre les prés du moulin.

Comme pour éloigner ce souvenir Valère Chatellier, tout en marchant, parlait d’amour et de paix. Il disait sa joie de ma venue à son premier appel, et aussi sa confiance dans notre union parfaite et libre. Ses paroles se mêlaient à la nuit qui s’épaississait, au vent qui soufflait avec force ; elles se mêlaient au clapotis du fleuve, aux cris des