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un manteau splendide, qu’il ployait et déployait pour mon plaisir.

Depuis mon aveu d’amour à Valère, tout ce qui ne m’est pas coutumier m’inquiète et me semble avoir une signification. Que me voulait ce chat vêtu comme un prêtre à la grand messe un jour de Pâques ?

Je me levai pour reprendre ma bêche. Et voici qu’il y eut tout à coup dans l’air comme une grande nouvelle. À cette heure où l’on ne sentait pas un souffle de vent, une petite feuille se mit à remuer devant moi. Aussitôt d’autres remuèrent, puis toutes, comme si de feuille en feuille on se passait la nouvelle. Dans la haie proche ce fut tout de suite comme un bruissement de rire. Ce bruissement joyeux gagna les pommiers, les cerisiers et les pêchers, jusqu’au gros noyer dont les larges feuilles s’agitèrent et me firent penser à des mains battantes.

Étonnée, je cherchais d’où pouvait bien venir le vent, lorsque le facteur que je n’avais pas entendu s’approcher me tendit une lettre par dessus la barrière.

Je ne connaissais pas l’écriture de Valère Chatellier, et cependant je fus certaine que cette lettre venait de lui. Je l’ouvris avec crainte. Que pouvait-il avoir à me dire qui ne pût attendre jusqu’à demain dimanche ? Il disait :

« Habiter ensemble dans ce pays sans être mariés il n’y faut pas songer, le feu prendrait de lui-même à notre maison et les arbres du verger ne voudraient plus donner de fruits. D’accord avec votre frère, voici ce que je vous propose :

« Je quitterai ma place à l’automne, et cela sans