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Un jour quelqu’un m’a dit : « Je n’ai jamais vu Mirbeau, mais je le connais aussi bien que vous ; c’est un monsieur qui crie et qui fait de grands gestes. »

Mais non : sa voix est bien posée, et ses bras ne s’agitent pas quand il parle. Seuls ses yeux clairs vous fixent et semblent vous parler encore plus que sa voix. S’il vous interroge, son visage prend un air de naïveté, et on dirait qu’il est prêt à croire tout ce que vous allez lui dire, mais s’il veut vous convaincre d’une idée qu’il croit juste et bonne, ses yeux s’élargissent et tout son corps se tend vers vous comme s’il voulait peser fortement sur votre pensée.

Son sourire est amer et doux, et son rire est bas et plein, d’une seule note, avec des vibrations graves.

Il vient au devant de vous les deux mains bien ouvertes, et pendant qu’il garde les vôtres dans une pression pleine et chaude, on sent qu’il donne toujours plus qu’il ne prend.

MARGUERITE AUDOUX.