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qui nous entraînaient encore, à l’insu d’un plus grand nombre, à l’anéantissement prochain de toute puissance nationale, de toute richesse publique et de toute société civilisée. On soutenait en conséquence de ces idées égalitaires que les droits du sel étaient plus onéreux aux classer les moins favorisées de la fortune qu’à celles qui jouissaient d’une certaine aisance, et que la consommation individuelle était relativement plus considérable pour les premières que pour les secondes.

Cette proportionnalité relative, dont on préconisait ainsi la chimère, impliquait indistinctement la condamnation de tous les tarifs applicables non-seulement aux sels, mais encore aux vins, aux eaux-de-vie, aux bières, aux sucres et à toutes les denrées alimentaires. Ne dirait-on pas, en effet, avec plus de vraisemblance que le riche fait un usage moins habituel et plus modéré des liqueurs spiritueuses que le pauvre, dont elles réparent les forces et font oublier la misère ? C’est avec de tels arguments que le scepticisme frondeur ruine les œuvres les plus utiles, mais inévitablement imparfaites, de la sagesse humaine. Il a toujours été reconnu dans la pratique que l’on se proposerait une tâche impossible en cherchant à mesurer un droit indirect sur les facultés personnelles du consommateur, et qu’il serait insensé de prétendre l’imposer sous une autre forme que celle d’une taxe proportionnelle à la valeur et à la quotité de chaque article de perception, enfin que la seule condition réalisable par l’équité administrative consiste à calculer cette nature spéciale de tribut sur une base uniforme soumise à un taux commun, et à rendre ainsi le droit du Trésor aussi juste et aussi égal que possible pour tous ceux qui y sont assujettis.