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l’importance comparative des royaumes de l’Europe. La prévoyance la plus habile ne pouvait alors entretenir des armées, équiper des flottes, élever des monuments, ni grandir l’inftnence politique de l’État que par la formation d’une épargne en numéraire laborieusement ménagée et stérilement accumulée dans le trésor du prince. Les seuls expédients qui fussent connus à cette époque étaient la vénalité des offices, les emprunts forcés, les prêts sur gages qui entraînaient souvent l’aliénation des impôts, et les avances sur nantissements, dont la ressource matérielle, nécessairement fort restreinte, dépassait encore la valeur d’un secours pécuniaire très-chèrement acheté.

On peut donc affirmer que l’avénement du crédit public a produit une révolution non moins décisive pour la force des gouvernements que la découverte de la poudre à canon pour celle des instruments de la guerre. Nous ajouterons, en suivant cette comparaison, que l’usage de ces deux puissances nouvelles présente de graves dangers, lorsqu’il n’est pas soumis à des conditions indispensables de prudence et de modération. Ainsi les emprunts peuvent consommer la ruine d’un État, s’ils dépassent les facultés des peuples et leurs moyens de remboursement, comme l’excès de la poussière fulminante peut briser la main imprévoyante qui l’aurait employée sans discernement et sans mesure. Mais il existera toujours entre ces deux agents de la force publique une distance égale à celle qui sépare les efforts physiques de l’influence morale les bornes qui arrêtent les premiers sont bien plus étroites que celle où la seconde peut atteindre. Le plus admirable attribut du crédit est de n’avoir d’autre terme que celui de la confiance générale et des ressources qu’elle