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sucre indigène contre les sucres exotiques, il aurait fallu consentir, en quelque sorte, à enchainer froidement, sur le sol du rivage, toute cette population brave et industrieuse qui borde nos cinq cents lieues de côtes, désespérer de la prospérité de nos colonies, et considérer l’émancipation des noirs, non plus comme le bienfait d’une civilisation sagement progressive, mais comme une œuvre de témérité philanthropique ; il fallait enfin arracher à la mémoire et à la noble émulation de la France les glorieux souvenirs de Louis XIV et de Colbert.

Était-il vrai d’ailleurs que nous fussions contraints de nous soumettre à l’inexorable empire des circonstances, et que, pour échapper, au moins en espérance, à la détresse de la situation, nous dussions alors nous réduire à la mesure dilatoire et doublement inefficace de cette lente égalité des droits entre les deux sucres français ?

Je ne devais pas le penser, puisque le nouveau projet de loi, substitué à la première proposition du gouvernement, ne pouvait recevoir son exécution que le 1er août 1844, c’est-à-dire après un intervalle’de temps qui nous accordait la faculté de ne pas persévérer jusqu’à cette époque dans le déni de justice et de vérité que nous opposions depuis plus de douze années à la réciprocité du contrat de la métropole avec les colonies et au facile développement des forces et des ressources de l’État. J’ai donc protesté, par mes paroles et par mon vote à la Chambre des pairs, contre une solution sans équité et sans prévoyance mais j’ai sollicité en même temps l’administration d’en appeler le plus tôt possible aux conseils de l’expérience et de la réflexion, de tenter une seconde fois la suppression d’un produit artificiel dont l’infériorité était