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homme qu’on aurait traîné par tous les bourbiers de la ville, il excite la compassion des uns, les risées du plus grand nombre. Les commères, sur le pas de la porte, si elles voient passer ce grand corps délabré, haussent les épaules et se signent presque à son approche. « Voilà maître Bernard ! il fait mourir de faim sa femme et ses enfants. On dit qu’il fabrique de la fausse monnaie. C’est un homme dangereux ! » Bien dangereux, en effet, et malfaiteur émérite ! D’abord il n’a pas un sou, et il a beaucoup de dettes ; puis il cherche un secret bien criminel ; il veut être utile. Il passe, l’œil oblique, inquiet, évitant la rencontre d’un homme. Cet homme ne peut-il pas être un créancier ? Il fuit sa maison. Il a besoin d’un peu de calme. D’autres trouvent au foyer domestique ce tranquille asile où la voix affectueuse d’une épouse, les baisers sonores des bambins ramènent la sérénité dans leur âme et la joie sur leur visage. Pour lui, ce qu’il rencontre dans sa maison, ce sont des persécutions et des déboires. Sa femme lui reproche de s’obstiner à la recherche d’une chimère et de négliger son gagne-pain. Le chais est vide, l’armoire est vide, la huche est vide. Certes, la maison n’est pas gaie, quand les marmots en haillons grelottent, et qu’on n’a pour eux ni bois flambant dans l’âtre, ni habits en réserve ; quand ils demandent du pain, et qu’on n’a rien à leur donner. Il fuit donc, et les lamentations de son épouse, et les cris affamés de ses enfants, et les doléances méchantes de ses voisins, et les réclamations pressantes de ses créanciers. Mais parfois s’il rencontre une troupe de gamins, — « cet âge est sans