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regardez-la, deux fois par vingt-quatre heures, s’élancer contre le rivage qu’elle veut submerger. C’est alors le bruit d’une nombreuse armée qui viendrait combattre la terre. Elle bat impétueusement les rochers et la côte, et le bruit est si violent, qu’il semble qu’elle va tout détruire. Mais on ne s’effraye pas. On a même songé à profiter de cette fureur. Des canaux ont été creusés, par où le flot s’engouffre. La mer en ouvre elle-même les portes, et, docile, va faire moudre le moulin. Et quand elle s’en veut retourner, comme une diligente servante, elle ferme la porte du canal afin de le laisser plein d’eau. Or, si toutes les sources venaient de la mer, il faudrait que toutes les sources fussent salées, que la mer fût plus haute que les plus hautes montagnes, afin qu’elles se retirassent avec elle quand elle revient d’escarmoucher la terre, et partant restassent à sec comme le sable de la grève avec les coquillages qui s’y enfoncent. De plus, la mer est aussi haute en été qu’en hiver. Or, si c’était à ses mamelles que se vinssent allaiter les fontaines de la terre, on ne verrait pas tarir les sources pendant les mois de juillet, août et de septembre.

En allant de Marennes à la Rochelle, au retour de l’île d’Oléron, il aperçoit un immense fossé récemment creusé, dont on avait extrait plus de cent charretées de pierres toutes pleines de coquillages. Et ces coquilles (page 37) étaient « si près à près, qu’on n’eust sceu mettre un dos de cousteau entre elles sans les toucher. » Cette vue le frappe ; il chemine rêveur le long de cette route qui se déroule sans fin à travers le marais, de Marennes à Hiers, d’Hiers à