On prétend que rien n’est plus nuisible aux semences que le sel, et aussi sème-t-on le sel sur la maison détruite d’un grand criminel. Ce que je sais, ce que j’ai vu, c’est que dans les marais salants de Saintonge, on récolte sur les bossis, formés des vidanges des aires, et partant aussi salés que l’eau de mer, du blé aussi beau que partout ailleurs. Où donc nos juges ont-ils pris que le sel détruisait les végétaux ?
Les vignes de Saintonge, qui produisent un vin meilleur que l’hypocras et six fois plus de raisins que celles de Paris, sont en pleins marais salants. De plus, l’air salin nourrit des végétaux qui ne croissent bien que dans ces marais ou sur les bords de la mer, par exemple le salicor dont on fabrique les plus beaux verres et la soude ; l’absinthe santonnique ou absinthe maritime ou vulgairement sanguenite, excellent vermifuge ; la bacille, crithme, chrisle marine ou perce-pierre, si savoureuse qu’on la mange en salade, et qu’on la fait confire au vinaigre pour toute l’année. Si le sel était ennemi des plantes, il le serait de l’homme. Les hommes en usent ; les chèvres s’en réjouissent, et lèchent les murs où les urines en ont déposé ; les huîtres s’en nourrissent, et en forment leurs coquilles ; les pigeons vont becqueter le mortier des vieux murs composé de chaux et de sable.
Dans les Ardennes, les laboureurs fument leurs champs de mottes de gazon desséchées et cuites au feu. Est-ce le feu qui fertilise un peu ce sol stérile ? Non ; mais bien le sel que les racines, herbes et ar-