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riginalité ; elles contrastaient avec la riche orfèvrerie et les luxueux tableaux ; elles étaient une réaction contre le grandiose de l’école italienne ; une tentative pour ramener à la nature ; enfin elles semblaient conserver au fond une larme de celles qu’elles avaient coûtées à l’héroïque artisan. La souffrance a son éclat comme la gloire ; et un sourire mouillé de pleurs est au moins aussi sympathique que la gaieté.

Mais on se lasse de tout. Le maître avait même compris qu’il fallait changer sa manière. Plus que tout autre son art devait amener la satiété. Quand une fois l’art se fait réaliste, il est perdu. Vous me plairez un jour parce que j’admirerai l’effort heureusement tenté pour reproduire exactement la nature, comme je puis entendre avec plaisir sortir d’un gosier humain les aboiements du chien, le cri du coq, les hurlements du loup ou les trilles du rossignol. Mais vous ne réussirez pas à m’arrêter longtemps. Je sais jusqu’où vous irez. Que si vos cris sont plus doux, vos aboiements moins rauques, vos roulades plus mélodieuses, je me récrie ; le but dépassé, il n’est pas atteint. La nature a des limites fixes, immuables. Le réel ne peut jamais être franchi. En ne voulant que le reproduire on se condamne soi-même à la stérilité. On mettra de la variété dans la forme ; ici un reptile au lieu d’un poisson, là du chêne au lieu de la fougère. Le fond n’aura pas changé. Quand tous les dressoirs, toutes les tables, tous les cabinets seront pourvus, il faudra arrêter la production. Au contraire, demandez au cœur des inspirations ; que l’imagination nous emporte dans les sphères