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qui se faisoit quasi appeler le dieu des maçons ou architectes, et d’autant qu’il possédoit vingt mille livres en bénéfices, et qu’il se sçauoit bien accommodé à la Cour, il advint quelquefois qu’il se vantast de faire monter l’eau tant haut qu’il voudrait, par le moyen des pompes ou machines, et par telle iactance incita un grand seigneur à vouloir faire monter l’eau d’une riuière en un haut iardin qu’il auoit près ladite riuière... La despense de ces choses fust si grande que l’on a trouué par les papiers des contrôleurs, qu’elle montait à quarante mille francs, combien que la chose ne valut iamais rien. »

Le P. Rapin, qui n’avait pas les mêmes motifs de haine que le potier, a, dans son poëme des Jardins, livre III, peint, sans aigreur mais non sans malice, l’embarras du pauvre architecte, qui ne pouvait découvrir d’eau à Meudon, et le désespoir du propriétaire, qui en désirait avoir à tout prix.

À l’endroit où Meudon abaisse ses coteaux,
Vivait un grand seigneur, le plus riche de France ;
Il avait des écus, des champs et des troupeaux :
Le roi même enviait sa royale opulence.
Il voulut un palais et le plus haut sommet
Vit le palais grandir. Une splendide scène,
Digne de la maison et de qui l’habitait,
Se déroulait au loin sur la ville et la plaine.
Partout des bois, partout et jardins et bosquet.
Mais d’eau, point. Nul ruisseau, murmurant parmi l’herbe.
N’égayait de ses chants la demeure superbe,
En vain la sonde perce et fore le terrain ;
Elle fouille du sol les profondeurs. En vain.
L’architecte a beau faire ; et dans ses rêveries
Il voit bien une source arroser les prairies.
L’or coule à flots. Mais l’eau ne cache point, hélas !