admettrais-je volontiers avec M. Cazenove de Pradines « que l’illustre potier appartenait à une famille bourgeoise ou tenant de près à la bourgeoise. »
Plusieurs écrivains ont prétendu qu’il était noble. Beaucoup écrivent encore : « Bernard de Palissy. » M. Massiou[1] a même écrit cette phrase singulière : « Bernard de Palissy : car sur la fin de sa vie il avait été pourvu de lettres d’anoblissement... » Ces assertions ne supportent pas l’examen. Les lettres patentes d’anoblissement sont un rêve de l’historien saintongeois : l’édit de Blois, en 1576, mettait obstacle à l’anoblissement par l’achat de fiefs, remarque M. Sauzay, et les assujettissait à des lettres patentes royales. Un potier de terre était, malgré l’illustration toute personnelle de l’inventeur des rustiques figulines, un trop mince personnage pour que, au moment même de la promulgation de l’édit, on se fût écarté du rigorisme de la nouvelle loi. D’une part, maître Bernard était trop pauvre pour acheter un fief qui lui donnât droit de noblesse, quand même l’édit n’eut pas empêché ces velléités seigneuriales ; de l’autre, il était protestant. En ce temps, au lendemain de la Saint-Barthélemi, à la veille de la Ligue, on brûlait les huguenots ; on ne les anoblissait pas. Celui qu’on épargnait s’estimait heureux, et ne recherchait pas des distinctions honorifiques.
Quoiqu’il ne fut pas noble, l’émailleur saintongeois aurait pu s’appeler Bernard de Palissy. Beaucoup de roturiers ont eu et ont encore cette syllabe que le préjugé commun fait aristocratique. Jamais il n’a
- ↑ Histoire de la Saintonge, II, 544.