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avec l’Église de Rome, les protestants, infidèles à leur propre enseignement, voulurent-ils établir un corps de doctrines, fixer le dogme et régler la discipline. Ils fulminèrent même les anathèmes contre les dissidents et firent appel au bras séculier. Débarrassés de l’autorité morale du pape, ils s’empressèrent de reconnaître, même dans l’ordre religieux, la suprématie des puissances civiles et leur demandèrent protection. Jeanne d’Albret, par son ordonnance du 26 novembre 1571 régla les moyens de prévenir l’hérésie et, au nom sans doute de la liberté, ordonna le mariage à tout Béarnais qui n’aurait pas reçu le don de continence. Luther demandait la proscription des anabaptistes, et faisait chasser de Wittemberg son disciple Carlostadt, qui avait enseigné sur la présence réelle une opinion contraire à la sienne. On connaît le joug de fer que fit peser Calvin sur la malheureuse Genève, et comment il punit des femmes qui avaient porté des rubans à leur bonnet. Je ne parle pas du bûcher de Michel Servet, coupable d’avoir mis en pratique la théorie du libre examen. C’est pourtant à ce despotisme qu’aboutit fatalement la souveraineté proclamée de la souveraineté individuelle. C’est l’enivrement du moi, l’absolu établi par une intelligence, hélas ! faillible, l’imagination éprise d’une chimère qu’elle poursuit partout, l’orgueil humain qui se grise de ses propres idées et ne connaît aucun obstacle. Aussi voyons-nous que, née d’un accès de colère contre la corruption du clergé, la Réforme, qui devait épurer les mœurs, n’épura rien et détruisit le dogme. L’admirable unité du catholicisme s’émietta