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« Trois de ceux-ci furent Jean-Baptiste Badeaux, son fils Joseph et son petit-fils le docteur Georges-Édouard (sic). Le premier avait une voix sympathique et vibrante, d’une parfaite justesse et qui se tenait dans l’esprit du plain-chant.

« Son fils, Joseph, suivit sa trace, mais avec une voix qui eût rempli une vaste cathédrale et qui « brisait les vitres » de l’église paroissiale. Après avoir abandonné le chœur pour raison d’âge, il ne se gênait pas de reprendre de son banc les chantres qui entonnaient de travers ou qui faussaient. Ce beau talent resta enfoui dans un coin ignoré de l’univers, alors que des chanteurs, moins favorisés de la nature, brillaient sur les grandes scènes de l’Europe.

« Le docteur Georges-Edouard Badeaux son fils, raviva le lustre de nos maîtres-chantres, avec une modestie que son immense talent doit rendre plus héroïque. Il vient de mourir (1887), comblé d’années, entourê du respect de ses milliers d’amis et laissant le souvenir de nombreux bienfaits. Je l’ai entendu dans ma jeunesse, alors que sa puissance vocale était à l’apogée. Son chant était une prière, une élévation de l’âme, un cri de l’être humain vers Dieu. Sa voix montait au ciel. Une poésie suave et pénétrante nous inondait à ces accents incomparables. Un soir du mois de mai, en l’écoutant, j’ai composé, dans l’église, des couplets qui commencent ainsi :

Ô ! temple de la foi chrétienne !

« Il était de ces hommes qui ne savent pas qu’ils sont artistes et qui, cependant, s’emparent de nous par la force même de leur vertu et de leur talent. Quand il me parlait, j’avais envie de l’appeler Maître, mais je sentais qu’il en eut été surpris.

« Les Montagnards de Rolland passèrent une quinzaine aux Trois-Rivières, en 1856. M. Badeaux fit leur connaissance et chanta devant eux. J’ai été témoin de l’admiration de ce corps d’élite pour le Canadien français sans prétention qui leur révélait les trésors de sa voix d’archange. On lui demanda de monter la gamme — il atteignit le haut de l’échelle. On voulut savoir si son organe avait du volume — il ouvrit la fenêtre et se fit entendre par toute la ville. On fut curieux de connaître la durée de son souffle il lança une note et la soutint pendant que les Montagnards chantaient un couplet de cantique. Oh ! le brave, l’honnête homme, le digne chantre.