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fut pour combattre une motion soutenue par son père et qu’il enleva le sentiment des députés. Son père, qui était en même temps son meilleur ami, ne tarda pas à se retirer devant lui, sachant bien que la cause nationale avait trouvé un défenseur digne de devenir son champion en titre. Ses manières affables, son geste engageant, sa conversation polie et admirablement soutenue, presque toujours enjouée, en faisait l’idole de son entourage. Habile comédien, à la façon de tous les orateurs de talent, il s’animait devant le peuple et faisait passer sur son visage, dans sa voix, dans ses moindres mouvements les émotions qu’il voulait faire ressentir à ses auditeurs. Tout vibrait, en lui et à sa vue l’enthousiasme gagnait les têtes. Tel était l’homme qui, au moment où les anciens orateurs atteignaient l’âge de la vieillesse, apparaissait pour leur succéder, en compagnie de cinq ou six autres jouteurs des plus vaillants. »

Mais toute médaille a son revers. Si Papineau avait de belles qualités, il avait aussi des défauts sérieux. Une ambition démesurée, un amour excessif de l’autorité non partagée, c’est-à-dire un instinct dominateur, et un esprit irritable qui lui faisaient repousser les conseils, même ceux de ses plus dévoués partisans. Si ses qualités grandirent avec le temps, ses défauts ne s’améliorèrent pas, au contraire, ils ne firent qu’augmenter davantage de jour en jour, et il vint un temps où ceux-ci l’emportèrent sur celles-là, et l’on eut 1837.

On peut en quelques mots définir Papineau un homme de génie, un grand orateur et un meneur d’hommes ; mais un génie égoïste qui ne savait pas mesurer la parole à l’action, ni au temps où il vivait. Il s’emportait trop en parlant et il ne semble pas avoir eu conscience du mal qu’il faisait par ses discours. Il s’enivrait littéralement de ses propres paroles et ne pouvait juger de leur portée. Il ne prévoyait pas la catastrophe à laquelle il menait inévitablement ses compatriotes suspendus à ses lèvres ; nous le répétons, il manquait de jugement et de pondération.

Nous avons vu que dès son entrée à l’Assemblée législative, Papineau y avait pris une des premières places malgré sa jeunesse. L’honorable Jean-Antoine Panet ayant été promu au Conseil législatif, la présidence de l’Assemblée, qu’il avait si honorablement remplie, devint vacante et Louis-Joseph Papineau fut élu pour le remplacer (21 janvier 1815). Il conserva ce poste de