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Il en fut donc en cette circonstance comme toujours. Quelqu’un porta plainte au tribunal des sessions de la paix, et, tout juge qu’il fût, M. Vallières reçut l’ordre de comparaître devant les magistrats pour expliquer sa conduite. Il se rendit à cette invitation, mais il refusa de reconnaître la compétence de ce tribunal pour juger cette affaire et demanda que la cause fût instruite en Cour du banc du roi, alléguant, entre autres choses, que deux des trois magistrats siégeant se trouvaient intéressés dans cette affaire, vu qu’ils possédaient des propriétés près de ce chemin. Les deux juges de paix impliqués répondirent que, comme magistrats, ils n’avaient aucun intérêt dans cette cause, et ils considérèrent le plaidoyer du juge Vallières comme offensant pour leur dignité et condamnèrent celui-ci, pour mépris de cour, à une heure de prison ; et, afin de ne pas manquer leur coup, ils enjoignirent, en même temps, au grand connétable de mettre le jugement à exécution immédiatement, ce qui fut fait.

Indigné de cet odieux procédé, M. Vallières s’adressa au Gouverneur, lord Aylmer, pour faire casser ce jugement scandaleux, où des magistrats inculpés étaient juges dans leur propre cause ; mais le Gouverneur, auprès duquel Vallières n’était pas en odeur de sainteté, refusa d’intervenir. Celui-ci demanda alors que les documents qu’il avait envoyés pour appuyer sa requête lui fussent rendus, afin de lui permettre de prendre les mesures nécessaires pour obtenir justice. Le Gouverneur refusa de nouveau, en disant que ces documents, une fois déposés dans le bureau de son secrétaire, appartenaient à ce bureau et n’en pouvaient être retirés. Vallières réitéra sa demande, répliquant que les documents en question avaient simplement été soumis à Son Excellence pour examen ; qu’ils ne lui avaient pas été donnés, mais qu’au contraire, ils demeuraient la propriété absolue du requérant. Il essuya un nouveau refus.

Voyant qu’il ne pouvait obtenir justice dans la province, Vallières avertit lord Aylmer qu’il en appelait en Angleterre et il priait le Gouverneur de vouloir bien faire parvenir au Secrétaire d’État pour les Colonies ses requêtes et tous les documents s’y rattachant, ce que lord Aylmer ne put refuser ; car tout sujet britannique, fût-il Canadien, qui se croit lésé dans ses droits, a le privilège d’aller au pied du trône demander justice.